INTRODUCTION


Potraviny

(groceries, basic needs, nutrition, in Czech)


Potraviny is an informal discussion group  about the concept of non-professional and non-separation of creative activities. Some famous artists such as Picasso, Dubuffet, Svankmajer, Wölfli (and many others), did not hesitate to cross the borders of disciplines, to both films, texts, music, etc.. to serve a and wider and larger purpose.

Potraviny also offers topics of surveys, articles about artists, interviews, inquiries, online updates of rare works.

See General statements for more.

Sorry if some articles are only in french.


Dubuffet: La Musique Chauve




On peut rêver d'un Dubuffet vierge de toute expérience musicale préalable, se trouvant là dans la position que les artistes bruts dont il a brillamment mis en évidence l'importance.
La réalité est un peu différente, car il a eu une éducation musicale, il a même étudié le piano de longues années, puis abandonné la musique vers 20 ans, pour y revenir avec l'accordéon et Duke Ellington. Il n'a jamais, d'ailleurs, comme Breton et Kafka, témoigné d'une indifférence ou d'un rejet pour la musique, si ce n'est, tardivement, un refus de la musique classique, dont il fuyait les conventions la dimension culturelle.

En 1961, puis quelques années plus tard, vers 1972 au moment où il travaille à une version de son spectacle Coucou Bazar, Dubuffet s'est consacré ardemment à la création musicale, soit avec Asger John, et quelques autres participants, soit seul. La chronologie de ces séances musicale est bien connue et a été excellemment décrite dans les Cahiers Dubuffet, n°1, Paris 2006.
Il a appelé le résultat "musique chauve". il s'agit d'improvisations enregistrées en multipistes, par lui-même, avec une qualité assez rudimentaire, à l'exception de la longue composition pour Circus Mariole, qui a été mixée en studio, avec de multiples allez et retours entre ses improvisations et la béquille d'autres compositeurs (F. Chaun, et Mimaoglu).

Qui cache son fou meurt sans voix.

Amis de l'esthétique, habitués des salons moquettés et des répertoires de conservatoire, la musique chauve est pour vous ! Il faut remonter le plus haut possible dans l'histoire, dans l'homme musicien, et dans l'idée qu'on peut se faire d'une musique primitive, pour comprendre la musique chauve.
La musique chauve est un pôle, comme l'était l'art brut : autant l'artiste complètement brut n'existe pas, car quiconque capable de produire a une mémoire, une culture et une conception esthétique, technique, autant la musique chauve, musique brute, musique épilée de son duvet de sentiments, de conventions, le poil n'est-il pas éminement humain, corporel, sexuel ?, autant la musique chauve se positionne loin de la culture musicale, dénuées de références connues. D'où l'absence de toute technique, de toute maîtrise technique acquise à telle ou telle école, l'absence de toute référence historique ou technique. Comme les artistes brut qu'il aime, Dubuffet musicien invente, crée sa technique et ses moyens. De même que ces artistes, ou que les enfants, dont les dessins ont un motif prééminent, simpliste, énorme même, volontiers distordu, monstrueux, et acquiert ainsi une énergie primale, il fait de la musique sans atours, concentré sur une idée, un son, une vitesse, un registre.
Il développe alors longuement son improvisation sur un instrument, qui exploite une matière sonore, un type de geste, une sonorité, une vitesse, et il décline cela aussi longtemps que nécessaire, au mépris complet de toute habitude ou confort d'écoute, comme il déclinera sans fin les aplats de l'Hourloupe.
Ce double mouvement, cette double image, celle du poil et de sa privation, le crâne de l'homme, son poil, l'œuf, la pierre, est méditée, consciente. Elle illustre (avec le goût pour le grotesque, l'inattendu qui caractérise Dubuffet) sa théorie musicale : Il y a deux sortes de musiques ; la musique qui exprime nos sentiments, qui est proche de nous, et qui est influencée par nos bruits de tous les jours, ceux auxquels on est si connectés par l'habitude. Il y a une osmose entre ces sons et la musique que l'on fait. Le meilleur exemple dans sa production est La fleur de barbe.
En opposition à cette musique humaine, il y a la musique "que l'on écoute". Cette musique est complètement non humaine, nous est étrangère, par sa temporalité, ses modes de production, et pourrait nous permettre d'entendre ou d'imaginer les sons produits par les éléments eux-même, indépendamment de toute intervention. Dans cette catégorie, Dubuffet place le son de l'humus qui se décompose, la croissance de l'herbe ou la formation des minéraux. Pour la forme : "J'ai aussi une préférence pour la musique sans variations, qui n'est pas structurée par un système particulier mais qui est inchangée, presque sans forme, comme si les pièces n'avaient ni début ni fin, mais étaient de simples extraits pris au hasard d'une partition sans fin et au flot ininterrompu. Je dois avouer que je trouve cette idée très séduisante."
On peut trouver que ces affirmations en 1961 sont audacieuses, mais des compositeurs du côté officiel de la barrière si l'on peut dire explorent simultanément à Dubuffet des idée similaires : Xenakis notamment, qui dès les années 50 utilise des algorithmes complexes pour élaborer des partitions qui donnent une impression minérale, liquide, gazeuse ; Berio qui cherche une musique sans début ni fin, dont on entend toujours "un extrait découpé".

Continuum
Mais Dubuffet va plus loin, par son détachement complet du milieu musical et de ses contraintes et conventions. Il est, notamment, libéré complètement de la question de la notation, de l'écriture, de la virtuosité instrumentale, de la construction. Le son est rugueux, on n'y entendra pas de complaintes, de cantilènes molles ou reposantes, les enchaînements sont raides, les superpositions brutales. Ses matières sonores n'ont ni début ni fin, elles commencent parfois avec le geste du musicien mais s'arrête souvent par la volonté de l'enregistreur : il COUPE le son, par la machine. C'est une singulière mise à distance du geste : à la fois primal, aussi sauvage que possible, mais qui n'existe que par la machine à enregistrer (à l'époque un magnétophone à bandes). Dubuffet ne s'est pas fait faute de louer la possibiilité de composition que lui apporte cet outillage : superposition, collage, effacement, modifications des vitesses (et du coup des hauteurs).
La coupure de la bande pendant le jeu met soudainement une distance forte de l'auditeur sur le compositeur : Dubuffet nous rappelle par là notre éloignement de l'œuvre produite, en en montrant le médium enregistreur.
Ce magnétophone agit comme un catalyseur, lui permet d'analyser, de trier, et de faire le point sur ses découvertes. Mais plus encore, en coupant au milieu d'un continuum sonore, Dubuffet nous montre à quel point cette musique n'a ni début ni fin, mais ce que l'on entend n'est qu'une tranche temporel d'un continuum dont les frontières nous dépassent, ou au moins ne nous sont pas connues.
N'en est-il pas de même dans beaucoup de ses tableaux ? Sans même aller jusqu'à l'Hourloupe qui n'est qu'une immense toile fragmentée en œuvres séparées (scultputres, peintures, dessins), parfois à toutes fins pratiques, si nous restons à la même période que sa production musicale, les matériologies par exemple ne proposent rien d'autre que des grossissements sur des matières qui n'ont pas de contours propres.

la musique de l'omme.
Il s'agit d'une UR musique, de la musique de l'homme non du commun, mais du plus commun de l'homme, celui qu'il faut orthographier l'Omme : crissements, souffles, frottements rauques répétés, montés avec cassures. C'est l'omme qui peut produire la musique non-humaine, parce qu'il invente son contact Il faudrait encore décrire l'absence de contrôle, la partie la plus sauvage, la plus brute de lui : car derrière cet abandon de la maitrise vit la croyance d'un sauvage qui dort en nous, et qui parle vrai, qui éblouit de sa parole massive, alors que la civilisation étouffe, écrase, polit, et à la fin, tue l'omme. Il s'agit donc d'une écriture automatique musicale, autant que ce terme fait sens. Improvisation, certes, mais guidée par des principes nets, et une totale absence de maîtrise technique, et une indifférence à ce que l'on appelle la musicalité. Mais ce n'est pas chez Dubuffet une perte de contrôle complète, d'une part parce qu'elle serait impossible, sauf par l'intervention d'éléments extérieurs, auxquels Cage fera appel par exemple, et d'autre part parce qu'il s'agit bien pour Dubuffet d'aller chercher à la cave, d'oublier ses réflexes, et de ne pas se préoccuper du résultat. Reste que Dubuffet s'est bien mis à l'abri de la pudeur.

Plus tard donc, Dubuffet travaille au projet de Coucou bazar, projet scénique dont il est l'artisan total : scénographe, concepteur, costumier, musicien, dramaturge. Anxieux de ses limites techniques dans le domaine musical, il fait appel à un compositeur tchèque, Frantisek Chaun (personnalité passionnante : peintre, comique, chanteur, compositeur). Mais il ne reste finalement rien du travail de ce dernier dans le résultat final, et on voit à leur correspondance avec quels regrets et précautions Dubuffet supprime toutes ses traces. Cela s'explique à la fois par le style de Chaun, qui est certainement trop mélodramatique et emphatique pour Dubuffet, et qui dans ce sens excède largement ce qu'il attend de la musique, de l'espace qu'il lui autorise, mais aussi par un mécanisme assez typique de Dubuffet qu'on pourrait résumer par

Seul n'a de valeur que ce que je fais moi-même.

En d'autres termes, le fait de faire donne la valeur aux yeux de Dubuffet, et un résultat similaire obtenu par quelqu'un d'autre n'aurait pas eu cette valeur, car la valeur est dans le faire. Il n'y a aucune solution de continuité entre ces points de vue et la production visuelle de Dubuffet à ce moment-là. A la même époque, il travaille sur les matières "non nobles", telles que boue, sable, mâchefer... Et c'est bien cette réhabilitation du pauvre, du laissé pour compte, qui est aussi l'arme de l'arte povera que prône Dubuffet.
Plutôt que de mettre en valeur des sons bien enregistrés, sélectionnés et mis en valeur, il cherche à utilise beaucoup de sons impurs, peu audibles. De même, ce gout pour les sons impurs et jamais considérés dans un contexte artistiques est celui qui fait
"transfigurer les choses qui ont besoin de l'être, donner de la beauté aux choses considérées comme n'en ayant pas, plutôt que de servir les choses telles qu'elles sont"

(interview radiophonique, 1982, Paris).


La particularité de Dubuffet, qui sera abondamment reprise dans la musique improvisée des années 70, par des artistes tels que Alvin Curran ou Joëlle Léandre, et plus généralement par la génération des improvisateurs "professionnels" si j'ose dire, est l'ambiguïté recherchée entre le geste instrumental, le son de l'instrument et l'inouï, que l'on peut retrouver dans la musique concrète ou électronique : absence de dépendance au geste, création ou combinaison toujours nouvelle de timbres.
Trouver un geste instrumental qui explose le geste instrumental.
Pourtant, la ocmparaison avec la musique concrète s'avère trompeuse : certes, le rôle du magnétophone, la recherche de sons inouïs est commune avec les premiers compositeurs de musique concrète, mais le rôle du geste est fondamental, et ce geste n'est pas celui des ciseaux qui coupent la bande, mais bien celui de souffler, taper, ou racler.
Dubuffet, de même, devient musicien brut, en se plaçant dans l'état d'ignorance de celui qui ne connait rien à la musique : il joue du violon, de la flûte, il chante, sans avoir aucune connaissance de ces instruments. Et c'est là que l'ambiguité entre l'instrument et le son est la plus claire : il cherche des sons inédits, comme les musiciens électroniques de l'époque, mais avec les outils les plus familiers.
Typiquement il ignore complètement l'association nouveaux moyens- nouveaux résultats. de même qu'en peinture, il utilise aussi bien l'huile sur toile, sur bois, que le gravier, le sable, car le propos est toujours le passage vers l'omme. De cela, des points communs évidents et assez étonnants, entre sa production visuelle et sonore, et entre sa production musicale et celle des musiens des années 1960-70 qui l'ignorent probablement tendent à montrer une ligne invariante, dont il s'agit de définir la structure. Dubuffet, dans ce sens, a contribué à ouvrir la porte qui a laissé passer cette musique reconnaissable entre toute, à cause de cette proximité profonde, qu'on appellerait volontiers inconscient collectif musical. Il s'agit en effet, dans un milieu culturel donné, ici la France et l'Europe des années 60 et 70, pour des gens qui s'ignorent complètement, et on peut constater à quel point ces réflexes se reproduisent dans d'autres contextes, de mécanismes de production du son communs : répétition et micro variation de son, de hauteur, indifférence complète au volume et à l'espace, préférence pour les gestes binaires, absence de variation significative sur la durée, changements graduels, absence de pulsation, de mélodie, recherche d'imitation des instruments les uns par rapport aux autres. Très élaborée dans l'écriture sera la position de Ligeti entre 1963 et 1972, par exemple, mais aussi bien les musiques improvisées fusionnelles telles que Soft Machine ou Ornette Coleman partageront bien des préoccupations sonores communes avec Dubuffet : fusion dans le temps, mais rugosité maximale du son. On constatera que les enfants, auxquels Dubuffet cherche à éviter la comparaison, partagent ces caractéristiques, lorsqu'ils sont livrés à eux-même parmi des instruments ou objets sonores :

Dubuffet descend l'escalier à reculons.



citations

" Les expériences musicales qui m'ont occupé plusieurs mois en 1961, puis plus tard à nouveau en 1974, visent à un oubli total de tout le conditionnement musical culturel. Elles visent à effacer tout ce qui a reçu jusqu'à présent le nom de musique et à repartir d'un autre pied. y sont révoqués les principes qui forment l'assise de toute musique traditionnelle, et donc d'abord les sons de la gamme, puis le rythme et la mesure. En est absent aussi tout chant mélodique clairement discernable. [...] Une musique donc où la parole est retirée au chanteur exprimant ses humeurs affectives ou passionnelles, et restituée aux rumeurs cosmiques livrant leur bruit sauvage. "

Prendre de Plus Loin


Potraviny
(épicerie, besoins élémentaires, alimentation, en tchèque)
Potraviny est un groupe informel de réflexion et de développement sur la notion de non-professionnalisme et de non séparation des activités créatrices. Certains artistes célèbres, tels que Picasso, Dubuffet, Svankmajer, Wölfli (et beaucoup d'autres), n'hésitaient pas à franchir les frontières des disciplines, à faire aussi bien des films, des textes, de la musique, etc. pour servir un but plus lointain, et plus vaste.
Potraviny propose en outre des rubriques d'enquêtes, d'articles sur des artistes, d'interviews, des mises en ligne d'œuvres rares.
- des créateurs qui s'investissent dans d'autres domaines que le leur (mais pas via la collaboration), par une pratique double, triple... Cette pratique n'est pas celle d'un "surdoué" qui aurait fait les beaux-arts, le conservatoire et une école de cinéma, mais au contraire celle de celui pour qui le mélange des moyens d'expressions va de soi, et qui le fait en-dehors de toute école, tendance, technique... Le but est de stimuler des positions, des réflexions, des actions dans ces domaines, ou pour être plus précis : dans le croisement des domaines opéré par un seul individu, dans son attitude face au monde extérieur comme à sa nécessité intérieure.
- toute personne qui a des positions sur la relation entre les arts et la politique, les arts et la société.
- des témoignages, exemples, de productions artistiques marginales, ou au moins des activités artistiques non soutenues par les institutions ou l'industrie dite culturelle (le DIY par exemple)
Potraviny ne défend pas de position esthétique, et ne s'intéresse au résultat esthétique que secondairement. Du reste, la pratique artistique n'est qu'une partie de cette recherche, qu'on peut croiser en architecture, en psychanalyse, en écologie, etc.

Potraviny, concrètement, en plus du groupe de personnes, se propose d'être :
- un site/revue, qui comprend :
les interventions directement liées au sujet, sous forme d'articles, de films; de présentation d'objets, d'images, de films, d'événements, ....
des enquêtes : afin de mesurer, au moins imparfaitement, localement, les courants d'idées, les positions sur différents sujets. La première enquête, en cours, s'intitule, classiquement : "pourquoi écrivez-vous ?"
une base de données, sous forme de textes, partitions, films, images, liens, contacts.
des compte rendus d'enthousiasme : compte rendus d'œuvres qui ont émerveillé.
Dans un second temps, Potraviny pourra ambitionner d'organiser des événements, des rencontres, des colloques, des publications.



Notes de travail
Le déplacement, la séparation
Supposons que la séparation générale des activités, entre le compositeur, l'écrivain, l'interprète, le créateur, l'auditeur, le spectateur, le lecteur, soit la source essentielle du manque de rayonnement de la création aujourd'hui.
C'est qu'une spécialisation extrême crée des frontières épaisses, aussi infranchissables aux autres artistes et créateurs d'autres disciplines, qu'aux auditeurs, spectateurs ou lecteurs.
Notre civilisation industrielle, rationnelle, utilitariste, hyper-commerciale cherche l'excellence, la spécialisation, la qualité indiscutable qui pourra être partagée par le plus grand nombre. Or l'acte authentiquement créatif en général– me parait absolument contraire à cette perspective : non seulement il est perpétuellement discutable, mais il est aussi tellement indiscutable qu'il ne peut pas plaire à tout le monde. On peut même dire qu'il ne peut plaire qu'à très peu de monde, on peut même dire qu'il n'est pas là pour plaire à qui que ce soit. Il produit des actes et des objets non échangeables, non remboursables, non prévisibles... En gros, ils sont extraordinairement inaptes au monde actuel. On peut, dans cette perspective, les chercher là où ils se manifestent le plus sûrement ; ce n'est certes pas à la télévision, qui est depuis longtemps la proie du commerce dans sa version pornographique, jamais dans les galeries, qui, sans aucun scrupule, mesurent la valeur d'un artiste à son potentiel commercial, et rarement dans les salles de concert, ou au conservatoire : n'est-il pas difficile de concilier les exigences artistiques et créatrices avec les contraintes (notamment financières) de production ?
Pourtant, des exemples existent, de personnes, de groupes, de genre dont l'activité (du moins ce qu'on peut en percevoir de l'extérieur) n'est tributaire d'aucune école, d'aucun mot d'ordre social, dont l'activité semble être née d'une impérieuse nécessité intérieure, comme l'absorption d'air ou de nourriture.
C'est à l'art brut, certainement, à quoi je veux faire référence.
Ce « commerce intérieur », passage d'aliments mentaux, cette épicerie intérieure, intime, peut être thérapeutique, comme pour Adolf Wölfli, soit qu'elle contribue à l'équilibre intérieur, (comme le Tchèque Karel Havliček, qui dessinait tous les jours pendant 2 heures, et qui, si les circonstances l'obligeaient à sauter un jour, dessinait 4 heures le lendemain), soit qu'elle établisse un lien entre l'auteur et un monde transcendant, un « Dieu » par exemple, ou le royaume des morts, pour les artistes médiumniques, ou l'inconscient, les souvenirs, les obsessions… pour tout autre créateur travaillant sur son fond propre.
Potraviny : Il s'agit bien, en dernière analyse, d'un déplacement, du glissement imprévu d'une activité vers une autre, qui permet cette libération.
Ce geste de libération, plus tard, se cristallise en obsession.
Jean Dubuffet, qui à soixante s'est mis à produire une musique extraordinaire, étonnante, et tous les artistes bruts qui sans l'ombre d'une ambition sociale, financière, (et parfois même sans besoin de reconnaissance narcissique) ont réalisé les plus magnifiques temples l'ont fait au prix d'un déplacement, du passage de leur activité principale vers la découverte d'un moyen d'expression, fut-il écrit, peint, sculpté, chanté, ou tout autre.
Potraviny, l'épicerie interne, le commerce avec ses propres besoins, avec ses propres obsessions, et non avec ceux dictés par une convention, une technique, une carrière ou un goût de l'époque, est un droit de naissance, un élan vital.
Cette épicerie interne s'oppose à celle, externe, de collaboration. On ne discutera pas des mérites ou des failles de collaborations artistiques, on se bornera à marquer la différence essentielle : celui qui fait plusieurs choses à la fois s'interdit, de fait, d'atteindre la perfection technique et formelle dans chaque domaine, mais s'autorise à y puiser une énergie et une appropriation qui fait passer la fin au-dessus des moyens.
Potraviny s'intéresse à ceux qui ont une activité créatrice personnelle, en dehors de toute préoccupation sociale, dans un autre champ que leur activité « officielle » ou habituelle.
On distinguera l'artiste naïf de l'artiste brut : le naïf admire les œuvres du passé, du répertoire, et, le dimanche après midi, s'emploie à les imiter, plus ou moins consciemment.

Au contraire, Potraviny s'intéresse à ceux qui peuvent être « artistes » dans une discipline, mais qui cherchent et s’expriment dans une ou plusieurs autres. A tous ceux (« artistes » ou non artistes) qui développent leur imagination dans un domaine librement. La pluridisciplinarité n'est qu'une étiquette fatiguée pour réunir des artistes et leur faire se cogner la tête les uns contre les autres. Le déplacement est une tout autre entreprise, qui cherche le lâcher-prise, la surprise, l’émerveillement, qui crée du pluridisciplinaire par essence, mais dont les liens entre les médias seront mystérieux, car fondés sur des mécanismes inconscients, subconscients ou spontanés, et non pas des ficelles d'organisation en commun, des programmes créatifs volontariste et encore moins des recettes de production.
Ainsi, il s'agit d'approfondir le lien magique, analogique et synesthésique, entre les activités, tel qu'un seul individu peut le manifester, et non développer une œuvre protéiforme, ni de dire la même chose en vers ou en prose, par insistance. La dimension production esthétique est secondaire. Il ne s'agit pas de répétition voulue entre les domaines, mais de liens inconnus. Dans cet espace ne peut se glisser que l'inconscient.
déplacement :
sur le principe
qu'on se trompe toujours d'activité.
ou encore qu'il faut être infidèle à son activité.
ou qu'il faut tromper son activité.
qu'une activité n'est que la partie émergée de notre iceberg, et qu'il faut le secouer un peu pour en trouver des faces cachées. A soi même.

qui sont les artistes, créateurs et poètes, du passé qui correspondent à cette quête :
- Jean Dubuffet avec la peinture, l’écriture, la musique
- William Kentridge, entre le dessin, le fusain, et le film d'animation.
(la mise en scène d'opéra, chez lui comme chez tous les metteurs en scène d'opéra, et pour des raisons essentiellement sociales, me parait obéir à des contraintes bien extérieures)
- Pablo Picasso entre peinture, sculpture et poésie
-André Breton entre les poèmes et les poèmes objets
- Karel Teige entre le dessin, la typographie, les collages, l’architecture,
- Henri Michaux, poésie et dessins/peinture
- Jan Svankmajer entre les films, les collages et les objets
-Adolf Wölfli entre le texte, la musique et le dessin. - et la folie. ceci est propre à beaucoup d'artistes brut.
-Christian Dotremont entre la poésie, les logogrammes, les dessins..
-Asger Jorn entre la peinture, la céramique, les objets, la critique, le football
- John Cage avec la musique, la poésie, le dessin, la cuisine, la performance.
etc.

les relations de l'art avec la société.
Aspects développés notamment dans la rubrique : enquêtes
Une des tendances récentes de la musique d'aujourd'hui est d'être essentiellement défendue, soutenue par des institutions gouvernementales. Quelles sont les possibilités, les conditions pour une pratique artistique non commerciale en dehors des états ? Comment l'artiste peut-il se positionner ?
Par exemple, la vieille contradiction : comment peut-on aujourd'hui être adornien, c'est-à-dire résister à une idéologie dominante, libérale ou autre, et en même temps ne produire que par des subventionnements politiques, dans des contextes protecteurs et aussi inhibiteurs ?
témoignages, documents, œuvres.
Mise en ligne, mise à disposition, collecte d'œuvres répondant aux critères ci-dessus.


Svankmajer in Prague, exhibition 2012



A new and big retrospective of Svankmajer in Prague!



his collection of invented animals.








A lot of props and sets from the movies.
Here elements of Alice.




Here the cross in Sileni.





Here the puppets in Conspirators of pleasure.





beautiful and rare documents from shootings.
Here a pic taken during Food, featuring Ivan Kraus.




And texts...
The exhibition is accessible for the main part to non czech speakers.....
find the details here

La passerelle, Cherbourg



Romuald Reutimann anime l'atelier de la Passerelle, à Cherbourg, où chaque semaine, une poignée de personnes se réunissent pour dessiner et peindre. Ces personnes n'ont pas d'éducation ni d'ambition artistique, et sont considérés par la psychiatrie comme atteints de pathologies.
Mais les œuvres, parfois magnifiques nous apprennent beaucoup et nous émerveillent. 
Quelques questions à l'animateur.


—      Comment ce projet est-il né ?

Il est né au début des années 90 sous l’impulsion d’une chef de service. Plusieurs animateurs se sont succédé, proposant des approches différentes.

—      Comment les gens viennent-ils vous voir ? Avez-vous un lien avec le corps médical ?

Le plus souvent les participants viennent sur proposition d’un éducateur. Soit à la suite d’une discussion où une personne est à la recherche d’une « activité » extérieure. Ou par ce qu’on a pu repérer, souvent par hasard, une activité graphique récurrente chez quelqu’un (comme par exemple, Déborah, une nouvelle venue, qui écoute beaucoup de musique et qui systématiquement, jette la pochette originale pour en redessiner une autre aux feutres ) ou encore par certains enthousiasmes de tel ou telle plutôt communicatifs qui donnent envie d’aller voir. Certains ne viennent qu’à deux séances, d’autres partent, reviennent. Mais la plupart viennent depuis très longtemps. C’est important pour pouvoir développer quelque chose.

Je n’ai aucun lien avec le corps médical. D’ailleurs, ils ne sont pas malades. Déficients certes,  mais pas à proprement parler malades.



—      Les artistes ont-ils un background, une éducation artistique antérieure ?

Non, pas à ma connaissance.






—      Ce qui frappe dans les dessins que vous montrez de la Passerelle, c'est l'inventivité, et la souplesse voire la maitrise des techniques. Est-ce que vous guidez les artistes ? Y a t'il une dimension pédagogique comme dans un cours de dessin ? 

Nous partons toujours de ce qu’ils proposent, eux.

Dés les premiers dessins nous voyons leurs facilités, leurs plaisirs et c’est à partir de ça et de leurs mots, de leurs thèmes, de leurs obsessions ( thématiques ou formelles ) même parfois, que nous allons commencer à leur faire des propositions plastiques ( techniques, formats, méthode, rythme de travail ), de façon à ce qu’il aient toujours la sensation d’être en terrain connu, chez eux, et de prendre du plaisir.

C’est de là je crois, que peut venir cette sensation de maîtrise et de souplesse. C’est le résultat  d’une  bonne proposition au bon moment,  à la bonne personne combinée, bien sûr, à l’immense liberté qu’ils ont dés qu’ils dessinent.
En ce sens c’est un vrai travail d’atelier.
Je guide, j’explique surtout ( en tous cas, j’essaye ), pourquoi telle technique serait préférable à une autre, pourquoi tel dessin n’est pas vraiment terminé, ce qu’il lui « manque », ce qu’il ne raconte pas, et toujours, de préférence en utilisant des dessins antérieurs de la personne avec, encore une fois, ce souci de mettre en confiance et de rendre les chose plaisantes à faire.

Ni peur, ni  gêne.
Et c’est à mon avis indispensable pour avancer. Chaque chose en son temps. C’est parce qu’à un moment donné ils n’ont plus peur de « rater »  que je peux leur proposer des projets de longue haleine ou des outils et des techniques dont ils n’ont jamais entendu parler. IIs sont très fiers qu’on leur propose quelque chose de différent à eux, technique, outil, ou projet qui leur correspondent, et qui veut dire qu’on reconnait quelque chose d’unique qui leur appartient en propre et qui mérite qu’on leur fasse une proposition différente.
C’est à peu près le seul endroit où on reconnaît que ce qu’il font là, personne ne peut le faire mieux..



—      Comment s'organise une séance ? Vous donnez des thèmes, proposez, imposez, des techniques, des médiums ?

En effet, c’est un peu un mélange de tout ça sauf que je n’impose jamais rien. Ce ne sont que des propositions. Un  départ, une impulsion, un prétexte.
En pratique, je tiens un carnet de bord (que je ne partage pas avec eux) dans lequel j’imagine des histoires et des moyens pour chaque dessinateur en fonction de qui ils sont, de ce qu’ils ont fait jusqu’ici, de ce qu’ils étaient en train de faire la semaine précédente et de ce que j’imagine qu’ils sont capables de faire.
Après, les choses se passent rarement comme je l’ai prévu et c’est très bien comme ça. Certains refusent mes propositions, on une envie précise en venant ce jour là, ont envie de faire un cadeau à quelqu’un etc…

Personne ne fait la même chose en même temps. Untel peut remplir un carnet en deux heures et untel peut passer 6 mois ou plus sur un dessin. Tant qu’il y a du plaisir à venir et une envie de revenir à l’atelier, de dessiner et d’expérimenter, ça me va.



—      Comment peut-on décrire le rapport qu'ont les artistes avec leur travail ?

La plupart sont très fiers de leurs dessins et n’hésitent pas  à  les montrer dés qu’une personne de connaissance passe par l’atelier (ami, famille, éducateur, tutelle…) Ils aiment aussi beaucoup en offrir, les voir encadrer et décorer leurs appartements avec.

Certains y sont si attachés que, bien qu’ils acceptent de les voir exposer, ils refusent qu’on les vende.

Ceci dit, rares sont ceux qui reconnaissent leurs travaux d’une semaine sur l’autre. Ce qui entraîne parfois des fâcheries ou des contrariétés. Certains refusent de continuer un dessin dont ils ne se reconnaissent pas l’auteur. Ou d’autres s’attribuent des travaux qui ne sont pas les leurs.






—      Quel est l'impact de ce travail  pour eux ?

Précisément je ne sais pas trop puisque je ne les vois que très peu en dehors, mais l’atelier n’a jamais désempli depuis plus de 20 ans, je suppose donc qu’il apporte quelque chose ou qu’en tout cas, ils en tirent satisfaction.

—      Comment décrire leur pratique ? Art brut ? art thérapie ?

Art brut, sûrement pas dans la mesure où personne ici n’a – que je sache - d’irrépressible besoin de faire.  Je grossis le trait mais pour la plupart, ils sont d’une fainéantise absolue et sans l’énergie des équipes d’éducateurs pour les bouger, ils se contenteraient bien de boire et manger en regardant la télé.

Art thérapie, c’est plus compliqué d’être catégorique. Pour moi c’est juste un atelier d’art plastique. C’est de ça et uniquement de ça que l’on parle à l’atelier. Format, outil, composition, couleurs…etc.
Je ne connais que très peu de choses d’eux par ailleurs. Je ne connais pas leur histoire ni leurs problèmes…
Pourtant, je reçois régulièrement des coups de fils d’éducateurs pour savoir comment va tel ou telle et en général, parce que la plupart viennent depuis longtemps, et que nous les connaissons bien au travers de leur pratique, nous avons beaucoup d’indices qui nous permettent d’avoir un avis qui souvent confirme ou précise les analyses  et les intuitions des gens qui s’occupent d’eux et les suivent au quotidien.


Chris Marker et le collage



Quelques notes sur Chris Marker et le collage

Le collage, ce n'est pas seulement des bouts de papiers découpés et assemblés pour créer une autre image, imprévue, ce qui est l'ouverture surréaliste sur le monde ; le collage, c'est plus généralement assumer la rencontre fortuite, l'accolement, la juxtaposition, la concaténation d'éléments disparates, assumer ces disparités, et proclamer que le résultat est UN et INDIVISIBLE.
Ces éléments peuvent être tout, son, mots, qu'importe.
On sait que le cerveau n'accepte pas l'absence de sens, et en construit un coute que coute, comme l'eau épouse la forme de n'importe quel interstice et cavité.
Le cinéma dans sa version commerciale nous dit toujours le contraire, lui qui essaie de nier l'impossible et de créer des liens artificiels entre des scènes, sorte de collage certes, mais concerté, qui ne laisse rien à l'agrandissment du monde.... Ce même cinéma commerical nous impose ses figurines qu'on devrait accepter : Depardieu EST Obélix, cet imbécile de scientologue de Tom Cruise EST un héros et moi ? je suis la Reine des Pommes ?
Le cerveau considéré ici comme un bloc, un caillou : on ne lui demande pas de s'adapter, le réalisateur s'adapte à son comportement moyen, standard (pour un moment, une population donnée).
C'est un pacte passé avec le spectateur, un pacte comme un autre.

Alors que le collage, c'est le contraire : c'est chercher le disparate pour que l'assciation faite par le spectateur, inévitable, soit au si imprévisible qu'inacceptable & violente.

Alors, La Jetée est il un film de collage ? 

Parce que le spectateur est invité à reconstitué les mouvements, les lieux et scènes manquantes. 
C'est là un pari extraordinaire: le film qui offre la continuité est présenté en suite d'éléments uniques, en diapos. C'est un collage temporel : les photos, éléments uniques, atemporels, fixes, sont mis dans une séquence temporelle : la durée du film, et le spectateur est forcé de suivre ce temps troué.

On peut dire que ce n'est pas une signature de Marker, il a fait beaucoup d'autres films avec des séquences filmées. 
D'ailleurs, il faudrait être assez simplet pour attendre de quelqu'un d'indépendant qu'il fasse d'une technique aussi sommaire (en apparence) un modus vivendi.





 En revanche, ce procédé revient dans SI J'AVAIS QUATRE DROMADAIRES — chef-d'œuvre, chef-d'œuvre, chef-d'œuvre, chef-d'œuvre, chef-d'œuvre, chef-d'œuvre, chef-d'œuvre, chef-d'œuvre, chef-d'œuvre — sous une autre forme dans OUVROIR (1990), où il s'agit d'un parcours dans une exposition, exposition virtuelle, puisque réalisée dans Second Life. 

Ici, peut-être que les diapositives successives se justifieraient d'elle-même grâce au parcours de l'exposition ? 
Oui mais. 
Ce film n'est pas un livre, pas une exposition, mais un parcours imposé dans le temps par Marker à partir d'éléments atemporels : ses photos, et, cette fois-ci, ses collages.

La réalité, même si elle n'existe pas, est la grande préoccupation du documentariste. Et Marker, qui se pose en témoin ("On vous parle du Chili", "on vous parle de Prague") montre la réalité.
Et le documentaire passe un autre pacte avec le spectateur, celui de l'effet vérité. Mais Marker (sans le vouloir d'ailleurs, il a dit avoir fait des photos pour la Jetée, faute de moyens) enlève ce contrat : il ne s'agit plus de vérité, mais de pensée. 
Car en défaisant le pacte du cinéma animé, Marker offre un espace de pensée au spectateur : il n'y a plus de fiction, et on est pas là pour se faire embobiner. On est là pour considérer notre état au monde.
C'est pour cette raison que tous les imbéciles, suiveurs et autres fans de Marker parlent de philosophie — sans avoir la moindre idée de ce que cela peut être. En fait, Marker pense en cinéma, pense avec le cinéma. Et c'est tellement rare que c'est associé à la philosophie, le dernier endroit où l'on pense, comme chacun sait.. On a donc une lecture temporelle subjective d'éléments hors temps, d'où le caractère touchant, humain, qu'il provoque. Parce que dans ces interstices, l'espace mental entre les photos, comme l'espace entre les éléments collés sur la feuille, se glisse la musique, la grande chérie de Marker, qui fait le LIEN.

graffitis à Chambord


Ayant passé breaucoup de temps au château de Chambord, j'ai eu le temps d'apprécier, outre la beauté extraordinaire de l'architecture (qui a encore beaucoup de secrets à nous révéler) et la symbolique étrange de la construction, tous les graffitis qui inondent les murs.





Il s'agit le plus souvent de noms, suivis d'une date :  Fossard 1737, Bruneau 1631, Maurice 1921, etc.
Il y en a des dizaines de milliers. Partout. Sur les cheminées, DANS les cheminées, sur les rebords de fenêtre, de toutes époques.
C'est un témoignage magnifique du temps humain qui a passé sur le château. Les pierres, le monument ne disent rien, ne parlent pas, mais les noms, les gens, leur visage par la signature expriment le temps et l'érosion.
C'est à mon avis la raison de leur existence.
Je ne crois pas que les graffiteurs ont envie d'âbimer le château, le détruire.
Ou peut-être que si, un peu, victimes du syndrome de Stendhal.
Mais surtout, je pense qu'ils ont besoin de marquer le temps qui passent, et leur fragilité humaine sur le monument de pierre qui veut nier le vieillissement.

music, notation, from heavens to history, back to the cloud.


The first main historical articulation in western music is the apparition of notation. Let's not try to fix an exact moment in time, an exact location, nor its conditions neither its internal evolution. Let's just consider the general changes it implied.

It's generally accepted that the notation — (music notation, and any kind of language notation) —  allows sharing, comparing, transforming, elaborating.
In the case of music, the time before notation can be called the Orphic period: music was transmitted from one to one, this individual being half deified, in possession of a special power. This power was connected to magic, to gods, to charms. One can think of the bard, of the singing ladies in Africa when one passes away to have living examples of this conception.
That's why catholic Church kept suspicion on music for such a long time: it was suspected to be either too sensual (made for the entertainment of the crowd) or pagan: a contrepower to Jesus one. Music, before being written, was a divine power. The first musician had magic powers, and he was the only one to have it. Given by gods, music was to come to certain persons, exclusively. Music and musicians, therefore, were not questionable, they were superior.  Before music was writable, notated, it had to be thought as a a-historical art: a dangerous a temporal magical apparition which could put crowds in trance. Time, evolution, comparison and hierarchy was not in use.

The apparition of notation is the start of the critical historical period, in which music falls from the Heaven to the mass of humans, ready to absorb it, copy it, analyze it, discuss it, change it, sign it. Music falls from the hands of God to the hands of the craftman.

This switch is the start of the notion of humanization of music, the authorship, the artist as a human living being. From there, the nostalgia of the first period is an easy path : the romantic artist will emphasize the connection between him and God, or at least the infinity, the transcendence. Liszt and Wagner for instance consider the artist to be the interface between the people and God, and music is the tool for that communication, under the name of GENIUS.
For Liszt, this genius goes through the path of virtuosity, the virtuoso being the assessor between mortality and deity. The construction of the Wagner personality cult is based on this nostalgia of the transcendent, para religious and superior role of the artist.

But since the beginning of the XX° century, when the industrial revolution starts to become the technological revolution, we are now leaving this critical historical period. The notation in music is not the central point of work for artists, neither it is the pivot in evolution of musical styles anymore. The musical score, which has been for centuries the main medium for music propagation, for the establishment of styles, for the teaching processes is now considered as a burden, a heavy tracing tool which can more easily and practically be replaced by video, and all the digital devices of producing music.

One side effect of the dissolution of the music score as a main media for transmission of music, is the reification of the score.
More attention is given to the conventional signs, which are so complex and peculiar that they are all but conventional.
The preface of the score can also grow and take more and more importance, when the actual staves are not strong enough to support all the information.

Clearly, the traditional notation has made its time, and its practical tonal emphasis on pitches and rhythms are just not appropriate anymore.
Everybody who wants to have a precise timber evolution with a bow, for instance, or notate the extraordinary potential of the sounds of the bow on the strings faces incommensurable difficulties.

Lachenmann string quartet. the notation emphasizes the timber evolution.


Therefore, the complexity of the notation raises, and becomes less and less sharable.
Each composer, even each score develops its own conventional system, (consistent or not).

That is exactly the opposite of notation: it's cryptic and requires a new reading learning each time.

And to go a bi further in this direction, this complexity, or at least the graphic potential as well as the musical developments don't need to coincide nymore, the score becoming an independant object, a work by itself.
Instead of concentrating its tools to the realization of the musical project, the score becomes a selfcontent object, a fetishized score.



Brian Ferneyhough, Unity Capsule




The hierarchy between professional musicians, listeners, producers is more and more disappearing, and is replaced by a cloud, fundamentally digital, and superficially manifested as a network. It's never been so easy for non musical readers to produce complex music, by the only use of alternative languages, proposed in the music softwares. Another symbolization of the music parameters than the traditional notation, simplified, but directly accessible, non to be read but to be assembled, distorted, through the visual interface tools: stretching the sound shape stretches the duration of the sound, etc.
The network which before was music schools, ensembles, orchestras, concert houses, opera houses, churches, is now the computer, the internet, some concert halls, festivals, clubs, and more specifically the different operators and distributors of music: youtube, Spotify, Facebook — all the rapidly changing and adapting the general movements.

This period replaces the perspective in historical critical view by a systemic and structural thought.
Technology gives us new powers: a feeling of ubiquity (we can see, listen and communicate with any part of the world where we are not physically present). We now can listen to music which is not performed at the same moment, neither at the same place, not even by LIVING musicians.
A good illustration of the drama carried by technology in the relation to the world in the 50s is the formal refusal of traditional Indian musicians to record their performance, because their music (ragas) is to be performed at certain hours of the day and not others. To play this music at another moment of time might disrupt the normal course of the universe.

As folklorist this vision can seem today, one must not underestimate the beliefs that underlined the roles, functions and meanings of music. Exorcisms, ritual dances in shamanism, were sociological and cultural structural elements, not decorating superfluous entertainments.

And now that with technology everyone is able to produce music without notation, and the networks make it possible to spread music all over without any pressure from a social group, (no professionality needed), we are slowly turning back to the orphic conception of music: ubiquity, no authorship, divine power, eternal life of the artist, universality of the message...