à propos des Prix

Quelques personnes m'ont demandé ma position à l'égard des prix attribués aux artistes : prix Sacem, chevaliers des arts etc, suite à mon refus de quelques-uns d'entre eux.
voici quelques réflexions :

— les PRIX participent de cette idée que la pratique artistique peut être évaluée, reconnue, et statuée.

je n'y souscris pas. l'art ne doit rien avoir à faire avec l'évaluation, surtout économique. au moment où l'art commence à être évalué, reconnu et statué, il se dessèche et perd sa fonction, pour devenir un objet de culture.

— les prix comparent des œuvres et des artistes pour les sélectionner.

Pourquoi ne pas y associer une fenêtre, une poire et un calendrier ?

— Les Prix consacrent une activité, une œuvre.

Alors qu'être artiste, c'est un processus, auquel personne n'a le droit de porter de jugement (jugements qui sont toujours, du reste, qu'ils soient amicaux ou agressifs, élogieux ou critiques, imbéciles, à plus ou moins court terme).

— les prix aident à définir un travail, une démarche, une œuvre, en lui donnant une direction, une définition ("le prix du meilleur film noir").

je souhaite que rien de ce que je fais puisse en participer. c'est une maladie que de vouloir obéir à un genre, reconnaître un genre, et c'est criminel que d'y encourager qui que ce soit. l'artiste doit toujours faire un pas de côté, sans quoi il n'est qu'un chiffon de plus balloté par son époque.
— les prix sont une manière partielle de voir une œuvre, et de la récompenser pour cet aspect, pas plus.

je n'ai pas envie de subir de réduction, de quelque ordre que ce soit.

— les Prix encouragent les artistes, les jeunes en particulier.

ils provoquent surtout  par ricochet le désir de les obtenir, de s'y identifier. c'est une réduction de la pratique, un formatage, et un asservissement.

— Les prix ont leur utilité par la médiatisation dont profite une œuvre, un artiste.

je ne souhaite pas être médiatisé par une machine académique, ou de confrérie, ou de spécialistes.

— les Prix sont attribués par des collègues, et des inspecteurs, des bureaucrates : c'est une consécration réfléchie, pertinente le plus souvent.

Qu'est-ce qu'un artiste a à faire là-dedans ? Depuis quand ces gens sont habilités à donner un jugement public sur un travail artistique ? Deux artistes sont (deux vrais artistes) aussi dissemblables qu'une fenêtre et un tigre empaillé.

— Les prix permettent à des artistes de vivre, voire de survivre.
C'est encore pire : quelle peut être l'indépendance d'un artiste qui est dépendant de ce système ? Et que demander à un artiste qui ne peut marcher que dans le chemin que lui autorise une attribution de prix, sinon de se taire ?
— Les prix ne sont pas différents en essence de la subvention.

Ils le sont : ils consacrent, ils solidifient, ils isolent, ils médiatisent, ils justifient, ils normalisent. La subvention, qui n'est pas sans problèmes, c'est de l'huile dans le moteur. 
— Les prix reconnaissent l'excellence, la qualité,  ils aident à montrer ce qui mérite de sortir du lot.

Il ne faut pas être dans le secret des dieux pour savoir que cette vision angélique n'est pas conforme à la manière qu'ont les prix d'être donnés. c'est la plupart du temps soit le hasard, soit un renvoi d'ascenseur. Qu'attendre d'un vote, de toutes façons ? la démocratie est là pour nous montrer l'inanité de ces procédés. Un grand artiste est consacré par un prix sur un malentendu. 9 fois sur 10 les prix se trompent, l'Histoire l'a bien prouvé.