la Flûte amère du Roi de Hongrie.

   Ce roi, Mohology 1° n'avait comme conseiller que sa flûte : elle lui disait, en fonction de la forme des mélodies qu'elle lui autorisait à jouer quelles étaient les décisions à prendre. Il avait un collège de musicologues qui notaient précieusement les mélodies et les décryptaient, selon des lois canoniques et il faut dire fort mystérieuses pour en tirer un oracle parfois sybillin (" Bec plat, ongles court"), soit clair et et fort peu diplomate : "fer et sang".
   Le collège était constitué d'hommes entre 35 et 65 ans qui passaient de longues années à étudier les milliers de mélodies consignées depuis des siècles. Celles-ci étaient notées sur des parchemins richement illuminés, où l'on pouvait lire par des dessins et des descriptions subtiles le contexte dans lequel la mélodie était apparue au roi. Or quelques mélodies restaient impénétrablement muettes, malgré les contorsions des musicologues retirés qu'on appelait exceptionnellement à la rescousse (le collège des sages).
   Ainsi, en 1433, à l'aube de la grande guerre qui opposa la Hongrie et la Soubaline du Sud, apparut la phrase suivante : "rusjrecc amène feu llearitt". Amène feu était bien sûr limpide surtout pour les ministres affairés à l'expansion du royaume, mais que faire de rusjrecc et de llearitt ? la flûte étant absolument inattaquable, la remettre en question étant même passible de la peine capitale sans jugement, tout reposait sur la qualité des interprètes. Or que faire de mots qui n'existent pas dans la langue du pays ?
    On ne peut pas imaginer que la flûte se mette à parler une langue étrangère : autant l'imaginer travailler pour des puissances ennemies ! Des têtes tombèrent. (Notamment celle de Fuljucien Ernest, auteur du traité Arerum Binicis, ou comment faire tomber les oiseaux, qui a marqué tous les fauconniers qui sont suivi.
   Il y décrit notamment des parties de chasse menées à l'aide deu tambour à corde de modèle breveté Rivex, en moyeux filetés et écran portatif inoxydable.) Enfin, alors que la situation devenait de plus en plus tendue à la cour, un petit moine arriva de province à pied, et sortant de sa besace un grimoire racorni, lut à l'assemblée du collège de musicologues la communication suivante : "Dans la région septentrionale du Hongrou-Sulfoum, dans le dialecte eddrect, une petite rivière du nom de llearitt coule et traverse le village d'Ersccnt où vit le forgeron Hurubert. Or ce forgeron depuis plusieurs semaines, pris d'hallucinations s'est mis à dessiner d'étranges machines qu'il dit volantes, alors qu'il n'est pas capable de monter sur une bicyclette. Il travaille la nuit et revient chaque matin à l'atelier avec des liasses de feuilles griffonnées de manière obscure."
Immédiatement on dépêcha une escouade pour ramener l'individu et ses gribouillis. L'homme se présenta sous le nom de Hurubert Rusjrecc, sous les acclamations de la cour. Encouragés par ces cris dont il ne comprenait pas la cause, il exposa dans son dialecte ses plans pour fabriquer ses machines étranges. Personne ne comprit goutte et, craignant quelqu'espion, on l'envoya au cachot avec ses dessins.
    Quelques semaines plus tard le Royaume tombait aux mains de la Soubaline du Sud, et parmi les décombres du château, on retrouva des liasses de feuilles qui décrivaient précisément l'invasion future ainsi que des machines à feu à poster le long de la rivière qu'empruntèrent les envahisseurs, la llearitt. Des ingénieurs militaires prétendent encore aujourd'hui que la conformation de l'armée aux pronostics de Rusjrecc aurait sauvé le royaume de sa chute.